Une étude récente vient bousculer nos préjugés sur la perception des leaders non-démocratiques. Contre toute attente, des chercheurs suggèrent que les dictateurs choisis inspireraient plus de confiance que les monarques héréditaires. Une nuance cruciale dans la psychologie politique des régimes autoritaires.
💡 Points clés
- 👑 Perception inversée : Les dictateurs sélectionnés sont jugés plus fiables que les monarques héréditaires.
- 🤔 Critères spécifiques : La confiance est impactée par le mode d’accès au pouvoir, contrairement à l’attractivité ou la compétence.
- 🔬 Étude robuste : Analyse de 274 visages de leaders non-démocratiques classés en cinq catégories distinctes.
- 🎯 Choix autoritaire : Les élites autoritaires utilisent les traits faciaux pour choisir leurs leaders, mais valorisent des qualités différentes de celles des électeurs démocratiques.
La confiance, un critère inattendu
Des chercheurs d’universités françaises ont mené une étude dont les conclusions ont été publiées dans l’International Political Science Review. Leurs travaux révèlent une observation étonnante. Les participants ont majoritairement perçu les dictateurs sélectionnés comme plus dignes de confiance que les monarques. Ce résultat remet en question certaines hypothèses sur la manière dont nous évaluons les dirigeants.
Il est intéressant de noter que ces deux catégories de leaders ne présentaient aucune différence significative en termes d’attractivité ou de compétence perçues. Ce constat suggère que la confiance est un trait facial distinct, influencé par le mode d’accession au pouvoir. Cette distinction est fondamentale pour comprendre la psychologie des perceptions politiques.
Les visages du pouvoir non-démocratique
De précédentes recherches ont déjà exploré les caractéristiques faciales des leaders, notamment dans les démocraties. Il a été démontré que les vainqueurs d’élections sont souvent jugés plus compétents et attrayants. Pourtant, ces perceptions sont souvent décorrélées des véritables compétences ou de la personnalité des candidats. Le succès électoral peut donc dépendre des préférences visuelles des électeurs.
La question restait ouverte pour les leaders non-démocratiques. Leur accession au pouvoir est variée, mais l’étude souligne une distinction clé. D’un côté, il y a ceux qui sont sélectionnés (élus, nommés, ou imposés par une puissance étrangère). De l’autre, ceux qui ne le sont pas, comme les monarques héréditaires qui héritent de leur position.
Distinction cruciale : sélection versus héritage
Une étude antérieure avait suggéré que les dirigeants non-démocratiques apparaissaient globalement moins dignes de confiance, moins aimables et moins attrayants que leurs homologues démocratiques. Cependant, les raisons de cette différence restaient floues. Deux hypothèses étaient avancées. Soit les « selectorats » autoritaires, ces petits groupes politiquement informés, étaient moins influencés par l’apparence. Soit cette différence était due aux leaders qui n’étaient pas sélectionnés du tout, comme les monarques.
Pour approfondir cette question, Abel François et ses collègues ont comparé les traits faciaux perçus des leaders en fonction de leur mode d’accès au pouvoir. Ils ont ainsi clairement distingué entre ceux qui avaient été choisis pour gouverner et ceux qui avaient hérité de leur rôle. Cette approche ciblée a permis d’éclaircir les mécanismes de perception.
Une méthodologie rigoureuse pour décrypter les perceptions
L’équipe de recherche a rassemblé 274 photographies de visages de leaders non-démocratiques. Ces dirigeants, tous des hommes, ont exercé entre 1975 et 2010 et sont restés au pouvoir pendant au moins un an. Ils ont ensuite été regroupés selon la manière dont ils avaient accédé à leur poste. Cette classification précise est au cœur de l’analyse.
Les catégories définies par les chercheurs sont les suivantes :
- 👑 Succession héréditaire : 18 leaders ayant hérité du pouvoir familial.
- ⚔️ Coup ou insurrection : 95 leaders ayant pris le pouvoir par des moyens militaires ou un conflit civil.
- 🗳️ Élection : 60 leaders élus, même dans des régimes autoritaires, si l’opposition était tolérée.
- 🌍 Imposition étrangère : 13 leaders installés par une puissance extérieure.
- 🤝 Nomination : La catégorie la plus fréquente avec 88 leaders, choisis par leur prédécesseur ou une coalition dirigeante restreinte.
Des répondants anonymes, recrutés via Amazon MTurk, ont ensuite évalué les visages de ces leaders. Ils ont noté des traits comme la confiance, la compétence, l’attractivité, la maturité et la masculinité, sur une échelle allant de -7 à 7. Cette méthode standardisée a permis une analyse comparative robuste.
Des conclusions surprenantes mais nuancées
Les résultats ont montré que les participants percevaient les dirigeants héréditaires comme significativement moins dignes de confiance. Autrement dit, les dictateurs qui avaient été sélectionnés – qu’ils soient élus, nommés ou imposés par l’étranger – inspiraient plus confiance que les monarques. Les évaluations d’attractivité et de compétence n’étaient pas liées au mode d’accession au pouvoir.
Les auteurs de l’étude, Abel François, Sophie Panel et Laurent Weill, ont conclu : « Ces résultats suggèrent que les selectorats autoritaires, à l’instar des électeurs dans les démocraties, utilisent les caractéristiques faciales comme indices pour choisir leurs dirigeants, mais valorisent des qualités différentes chez ces derniers. » Cette nuance est essentielle pour comprendre les dynamiques de pouvoir.
Cependant, l’étude présente une limite importante. Elle n’a analysé que les leaders ayant réussi à s’imposer, sans les comparer à leurs challengers politiques. Il reste donc à déterminer si leur apparence plus fiable les a réellement aidés à obtenir leur poste. La question de l’impact direct de la confiance perçue sur l’accession au pouvoir demeure une voie de recherche future.
