
La démocratie, souvent perçue comme un acquis, semble aujourd’hui fragilisée. Une nouvelle étude met en lumière un lien puissant entre la pensée simpliste et le soutien aux attitudes antidémocratiques. Des scientifiques suggèrent que cette menace ne provient pas d’une seule idéologie, mais de tendances psychologiques variées.
Points clés 💡
➡️ Les attitudes antidémocratiques ne sont pas liées à une seule idéologie, mais à une combinaison de traits psychologiques et de modes de pensée.
➡️ Le manque de pensée ouverte et l’incapacité à considérer d’autres points de vue sont des prédicteurs majeurs du rejet des principes démocratiques.
➡️ La perception d’un système politique illégitime renforce fortement le soutien aux actions antidémocratiques, peu importe l’orientation idéologique.
➡️ Des chercheurs de l’Université de Bergen et Linköping University ont sondé 824 adultes au Royaume-Uni pour cette étude publiée dans les Annals of the New York Academy of Sciences.
Une menace idéologique complexe
Une récente étude parue dans les Annals of the New York Academy of Sciences révèle que les attitudes antidémocratiques ne sont pas l’apanage d’une seule idéologie. Elles découlent plutôt d’un éventail de tendances psychologiques, de croyances et de modes de pensée. Ces facteurs vont de l’autoritarisme au désir de chaos. Le lien est particulièrement fort lorsque les individus perçoivent le système politique comme illégitime.
La démocratie est souvent considérée comme établie dans de nombreuses sociétés. Pourtant, des rapports récents soulignent un déclin constant du soutien aux institutions démocratiques. Les chercheurs ont cherché à unifier les différentes théories sur ces menaces. Ils ont ainsi identifié les visions du monde idéologiques et d’autres facteurs comme la pensée binaire ou les idées fausses sur les opposants politiques. Ces éléments expliquent pourquoi certains soutiennent des actions qui affaiblissent la démocratie.
La pensée simpliste, un facteur aggravant
L’étude, menée par le professeur de psychologie Artur Nilsson de l’Université de Bergen et Linköping University, a sondé 824 adultes au Royaume-Uni. Les participants ont répondu à des questions sur leurs croyances, attitudes et tendances psychologiques. Les résultats mettent en lumière un prédicteur clé : la pensée activement ouverte. C’est la capacité à considérer les points de vue opposés et à réviser ses croyances face aux preuves.
Les individus qui manquaient de cette ouverture d’esprit étaient plus enclins à s’opposer aux principes démocratiques fondamentaux. Cela inclut notamment les élections libres. Ce style de pensée s’est avéré être l’un des prédicteurs les plus constants des attitudes antidémocratiques. Il a même surpassé la plupart des autres facteurs étudiés. Les idées fausses sur les opposants politiques jouent également un rôle. Ceux qui croyaient à tort que leurs rivaux soutenaient des actions antidémocratiques étaient plus susceptibles de les approuver eux-mêmes.
L’illusion de la légitimité démocratique
Un autre résultat important est le lien entre le soutien aux idées antidémocratiques et la perception de l’illégitimité du système. Si les individus estiment que la démocratie est une façade ou que des élites contrôlent secrètement le pays, ils sont plus enclins à soutenir la violence. Ils approuvent aussi la censure ou la subversion des élections. Ce sentiment d’illégitimité explique pourquoi des individus aux orientations idéologiques opposées peuvent partager des vues antidémocratiques similaires.
Le professeur Nilsson explique qu’il n’existe pas de « vision du monde idéologique unique » pour les attitudes antidémocratiques. Tant les défenseurs des autorités établies que ceux qui nourrissent de l’hostilité envers les élites montrent une propension à s’opposer aux principes démocratiques. Les modes de pensée irrationnels et simplistes, ainsi que les idées fausses sur les opposants, sont également des prédicteurs robustes de ces attitudes.
Au-delà des idéologies : les motivations profondes
Les chercheurs ont classé les visions du monde en trois catégories. La première, « justifiant le système », inclut l’autoritarisme et la dominance sociale. La seconde, « contestant le système », est marquée par la conviction d’un système corrompu et le désir de chaos. La troisième concerne les modes de pensée non liés à ces systèmes. Il s’agit du raisonnement simpliste, des croyances conspirationnistes et des perceptions erronées des opposants politiques.
Les individus ayant des visions du monde « justifiant le système » ou « contestant le système » ont montré plus de soutien aux idées antidémocratiques. Par exemple, les personnes aux tendances autoritaires étaient plus favorables à la censure. Celles ayant un désir de chaos soutenaient davantage la violence politique. Ces associations sont restées fortes, même après ajustement pour d’autres traits psychologiques et facteurs démographiques. Le soutien à la discrimination était lié à la dominance sociale, tandis que l’opposition aux élections démocratiques était prédite par le raisonnement simpliste et un manque d’ouverture d’esprit.
Pistes pour l’avenir et limites de l’étude
Les auteurs, Artur Nilsson et Ali Teymoori, soulignent les limites de leur recherche. L’étude est transversale, ce qui signifie qu’elle ne peut pas établir de liens de cause à effet directs. Il est donc difficile de déterminer si les croyances entraînent les attitudes, ou inversement. De plus, l’étude s’est concentrée sur un seul pays, le Royaume-Uni. Les conclusions pourraient varier dans des contextes nationaux avec des institutions démocratiques plus faibles ou des conflits politiques plus intenses.
Les chercheurs prévoient d’approfondir ce travail. Une future étude longitudinale suivra les participants sur 1,5 an. L’objectif est d’examiner l’interaction causale entre les attitudes antidémocratiques et les visions du monde idéologiques. Ils étudieront également la vulnérabilité à la désinformation et les traits de personnalité. Cette démarche vise à mieux comprendre comment et pourquoi les individus sont attirés par les idées antidémocratiques.
