Une étude récente suggère que les enfants atteints de TDAH perçoivent le monde visuel différemment de leurs pairs. Leurs réactions aux illusions optiques révèlent des processus de traitement uniques, offrant de nouvelles perspectives sur cette condition neurodéveloppementale et son impact potentiel au quotidien.
💡 Points clés
👉 Les enfants TDAH traitent les informations visuelles différemment, influençant leur perception des illusions.
👉 Ils sont plus sensibles à l’illusion de Müller-Lyer, mais moins à celle d’Ebbinghaus, un contraste surprenant.
👉 Ces différences s’estompent à l’adolescence, suggérant une maturation perceptuelle.
👉 La recherche utilise des outils comme l’oculométrie pour confirmer que ces variations ne sont pas dues à un manque d’attention.
Les illusions visuelles : une fenêtre sur le cerveau
Les illusions visuelles offrent une méthode précieuse pour comprendre le traitement cérébral des informations perçues. Bien que nos yeux captent la réalité, le cerveau l’interprète de façon unique, influencée par l’expérience et l’attention. Les illusions soulignent le décalage entre ce que nous voyons et ce qui existe réellement, agissant ainsi comme une fenêtre sur les processus cognitifs profonds.
Des recherches antérieures ont déjà montré des perceptions visuelles différentes chez des personnes atteintes de troubles psychiatriques ou développementaux, tels que la schizophrénie ou l’autisme. Cela a incité les scientifiques à explorer des effets similaires chez les enfants atteints de TDAH. Ce trouble est souvent lié à des difficultés d’attention et de contrôle des impulsions. Cependant, des études ont aussi observé des changements dans le traitement visuel chez ces individus.
Une étude révélatrice sur le TDAH
La dernière étude, publiée dans le Journal of Attention Disorders, s’est concentrée sur cette idée. Les chercheurs voulaient savoir si les jeunes atteints de TDAH percevaient les illusions différemment de leurs pairs. Ils s’intéressaient particulièrement aux changements dans le traitement visuel global ou descendant.
Oxána Bánszegi, de l’Institut de recherche biomédicale de l’Université Nationale Autonome du Mexique, explique : « Les illusions visuelles se produisent lorsque notre perception ne correspond pas au monde physique. Il est connu depuis longtemps que la sensibilité aux illusions visuelles change tout au long du développement. » Elle ajoute que le TDAH, affectant environ un enfant sur dix, a été peu étudié sous cet angle comparé à l’autisme.
L’équipe a testé 224 participants : 112 enfants et adolescents avec un diagnostic de TDAH, et un groupe de contrôle de 112 pairs sans TDAH. Les âges variaient de six à treize ans pour les enfants, et de treize à près de dix-sept ans pour les adolescents. Les participants provenaient d’un hôpital psychiatrique de Mexico et d’écoles. Tous avaient une vision normale. Ceux avec un TDAH n’étaient pas sous traitement médicamenteux depuis au moins trois mois.
Des perceptions contrastées : Müller-Lyer et Ebbinghaus
Les participants ont vu 103 paires d’images présentant cinq types d’illusions : Ebbinghaus, Müller-Lyer, Contour Subjectif de Kanizsa, Contraste Simultané et Serpent en Mouvement. Chaque illusion montre un décalage entre l’apparence réelle et la perception. Par exemple, l’illusion d’Ebbinghaus fait paraître un cercle central plus grand ou plus petit selon la taille des cercles environnants. Des essais « illusoires » et « contrôles » ont mesuré l’influence de l’illusion.
Les enfants atteints de TDAH ont montré des réactions distinctes. Ils étaient plus sensibles à l’illusion de Müller-Lyer, où des lignes de même longueur semblent différentes à cause d’extrémités en forme de flèche. Ils jugeaient plus souvent les longueurs incorrectement.
En revanche, ils étaient moins sensibles à l’illusion d’Ebbinghaus. Cela signifie que le contexte environnant influençait moins leur perception de la taille du cercle central. Ces différences étaient présentes uniquement chez les plus jeunes, suggérant une atténuation des variations perceptuelles avec l’âge.
Oxána Bánszegi a confié à PsyPost : « Nous nous attendions à des différences, mais nous avons été surpris de constater qu’elles allaient dans des directions opposées selon l’illusion. » Elle ajoute que les deux sont des illusions géométriques, mais que le cerveau les traite probablement différemment, justifiant de les étudier séparément.
Au-delà des illusions géométriques : Kanizsa et la contraste simultané
Les enfants avec TDAH ont également obtenu des résultats légèrement moins bons à l’illusion de Kanizsa. Cette illusion présente des formes incomplètes que le cerveau a tendance à « compléter ». Ici, ils identifiaient moins souvent le contour caché, ce qui indique que certains types de traitement visuel pourraient être affectés.
Cependant, pour les illusions du Contraste Simultané et du Serpent en Mouvement, aucune différence significative n’a été observée. Les deux groupes percevaient ces illusions de manière similaire. Cela suggère que l’altération de la perception n’est pas un déficit visuel général, mais est plutôt liée à des mécanismes cognitifs spécifiques.
L’importance des données oculométriques et des temps de réaction
Outre les réponses, les chercheurs ont utilisé un oculomètre pour suivre le regard des participants. Cela a permis de vérifier que les enfants atteints de TDAH ne passaient pas moins de temps à regarder les images. Les données ont montré une durée de fixation similaire entre les groupes, confirmant que les différences perceptuelles ne proviennent pas d’un manque d’attention pendant la tâche.
Les temps de réaction ont aussi été analysés. Les enfants répondaient plus rapidement lors des essais illusoires que lors des essais de contrôle, un schéma constant dans tous les groupes. Cela indique que les participants vivaient réellement les illusions et ne devinaient pas. Les différences de temps de réaction entre les groupes étaient minimales, ce qui montre que les effets observés ne sont pas dus à un traitement ou à une prise de décision plus lents.
« Le message principal est que les enfants avec TDAH peuvent percevoir les choses différemment, et cela peut affecter leur vie quotidienne », explique Bánszegi. « Par exemple, ils pourraient négliger des détails dans une scène complexe ou, au contraire, se concentrer excessivement sur de petits détails et manquer la vue d’ensemble. » Elle insiste sur le fait que cette sensibilité différente n’est ni bonne ni mauvaise, mais représente un style de traitement distinct.
Implications et perspectives futures
Ces découvertes suggèrent que les enfants avec TDAH peuvent percevoir certains environnements visuels différemment. Cela pourrait avoir des implications concrètes, notamment dans l’interprétation de scènes visuelles complexes ou la réponse aux instructions visuelles en classe.
Pour l’avenir, les chercheurs souhaitent étudier la perception des illusions chez les enfants encore plus jeunes, y compris les enfants d’âge préscolaire. Cela pourrait aider à identifier des schémas de développement perceptuel précoces, surtout chez les enfants non encore diagnostiqués. « Ces résultats soulèvent de nombreuses questions et ouvrent de nouvelles pistes de recherche », déclare Bánszegi. Elle reconnaît les défis de diagnostiquer et de tester de jeunes enfants, nécessitant des stimuli plus engageants et adaptés.
L’étude, « Perception of Visual Illusions in Children and Teenagers With ADHD », a été menée par Valeria Montiel, Vania Navarrete, Ana M. González-Pérez, Carolina Vázquez de Alba, Ricardo Díaz-Sánchez, Péter Szenczi, Marcos Rosetti, Rosa E. Ulloa et Oxána Bánszegi.
